Esquisses divines (4)

Une fois rentré chez lui, il alla voir ses dessins et fut étonné. Il y avait, sur chacun d'eux, quelque chose de différent. Il les avait dessiné dans une autre position ou leur avait donné une autre expression. Un café, c'est ce qu'il lui fallait. Il n'en avait plus. Il décida d'aller au Coffee Shop du coin de la rue chercher le plus gros et le plus riche en sucres qu'ils avaient à la carte afin d'avoir l'énergie nécessaire pour arrêter de délirer et, peut-être, commencer un autre dessin.

Il franchit le sol de la porte. Une odeur étrange envahit ses narines. On aurait dit de l'encens... Un parfum très agréable, mais qui sentait très fort. Comme pour se rappeler de ce qui était réel, il resserra sa prise sur le gobelet brûlant de son double Café Latte au Caramel et avança d'un pas hésitant vers le salon. Foulant le parquet, il poussa un cri de stupeur en voyant, postée près de la fenêtre et dans sa grande toge blanche dont il avait dessiné les plis dans le moindre détail, Junon. Entendant le bruit de ses pas, elle s'était retournée, lui avait brièvement souri et, dans un coup de vent terrible qui fit soudain s'ouvrir toute les fenêtres de la pièce, elle se désagrégea en une poudre couleur dorée, qui explosa au visage du garçon stupéfait.

La poudre lui brûlant les yeux, il hurla de douleur et s'agenouilla, les mains couvrant ses yeux fermés, puis se recroquevilla de plus en plus, comme pour se protéger d'il ne savait quel danger. Il ne cessait de répéter qu'il devenait fou et, n'osant plus ouvrir les yeux, resta allongé dans une position fœtale, les yeux fermés, pendant plus d'une demi-heure. Presque endormi, il décida enfin de se relever et de regarder autour de lui. La pièce était vite, les vitres ouvertes laissaient la brise s'immiscer doucement à l'intérieur du salon en sifflant par moments. Des moineaux sautillaient sur le rebord de la fenêtre, n'osant pas rentrer. Paniqué, il vérifia partout qu'il n'y ait personne, scruta la moindre trace de poudre et, finalement, ne trouvant rien, s'approcha des dessins qu'il avait laissé disposés sur la table du salon. Ils avaient encore changé. Ne sachant plus quoi penser, il s'assit dans le fauteuil, le livre de mythologie dans les mains, et en analysa toutes les coutures, comme pour trouver des réponses à ses questions.

Il ne l'ouvrit plus pendant la semaine qui suivit, rangea les dessins dans un tiroir de la commode dans laquelle il rassemblait ses œuvres et reprit le cours de sa vie quotidienne, de ses habitudes rassurantes. Rien à signaler, aucune hallucination. Rien ne se passait. Rapidement, il trouvait les journées très longues. Il avait envie de recommencer à s'atteler à son ouvrage, de retrouver cette sensation qu'il éprouvait quand il dessinait ces dieux et déesses antiques. Il mourrait d'envie d'en voir les effets pour tenter de comprendre ce qui arrivait et sur quoi tout cela aboutirait. Pourquoi en avoir peur, après tout ? L'inconnu, l'étrange n'était pas forcément mauvais. Et puis, il avait la sensation qu'il devait aller au bout de ce qu'il avait commencé...

Alors, le lundi soir suivant, il commença à esquisser les traits du visage de Vénus. Dans son rêve le plus fou, elle viendrait l'enlever et l'emmènerait avec elle à la découverte du monde des dieux tel qu'il l'imagine, mais avec une vivacité qui en apporterait les qualités d'une réalité merveilleuse et enchanteresse...

A.W.

dessin déesse mythologique, Ady Web.